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Vers roses
dimanche 31 mars 2013 à 17:53
Supposez qu'on vous prenne en exemple. Vous vous appelez Rogers, pas vrai ? Eh bien, Rogers, vous constituez un phénomène spatio-temporel qui s'étend sur quatre directions. Vous mesurez près d'un mètre quatre-vingts, pour cinquante centimètres de large sur vingt-cinq d'épaisseur. Pour ce qui est du temps, vous êtes déterminés par une ligne spatio-temporelle dont nous avons sous les yeux une sécante qui coupe l'axe temporel à angle droit au niveau du présent. A une extrémité se trouve un nourrisson qui sent le lait caillé et qui bave son petit déjeuner dans son biberon. A l'autre, il y a peut être un vieil homme aux alentours de mille neuf cent quatre-vingts. Imaginons ce phénomène spatio-temporel qu'on appelle Rogers sous la forme d'un long vers rose, ininterrompu au fil des ans. Il prend naissance dans le sein de sa mère et se termine dans la tombe. Ce vers rose passe ici et un corps unique apparait au point de rencontre. Mais ce n'est qu'une illusion. Le ver rose possède une continuité physique à travers les années. En fait, ce concept suppose la continuité physique de la race entière, car les vers roses bifurquent à partir d'autres vers roses. Sous cet angle, la race évoque une plante dont les ramifications s'entremêlent et lancent des rejets dans toutes les directions. On commet l'erreur de la croire constituée d'individus distincts si on ne considère que ses sécantes.

Robert Heilein, traduit par Pierre Billon, Jean-Claude Dumoulin et Pierre-Paul Durastanti, Ligne de vie (1939)